L’église de Saint-Aubin constitue le principal et plus ancien joyau du patrimoine historique de la commune.
Lieu de culte pour les fidèles de la Paroisse Saint Joseph des Jalles, elle est à l’occasion utilisée par le service culture de la mairie qui y organise avec l’accord du prêtre affectataire de très beaux concerts.
Elle bénéficie d’une acoustique exceptionnelle.
La plupart des informations données dans ce chapitre sont tirées du livre de René-Pierre SIERRA :
« Chronique de Saint-Aubin de Médoc ».
Saint Aubin fut choisi comme protecteur de la paroisse vers le VIIIᵉ siècle.
La construction de l’église actuelle aurait probablement débuté au XIIᵉ siècle, à l’époque d’Aliénor d’Aquitaine, avec un petit oratoire voûté situé à gauche du chœur. Les autres parties de l’église, chœur, nef principale, clocher, nef Notre-Dame, bas-côté Saint Jean-Baptiste, sacristie, furent construites et remaniées au cours des siècles suivants.
Les éléments caractéristiques de l’église sont :
- Les vestiges des peintures murales dans le petit oratoire originel,
- La croix du fronton sculptée sur ses deux faces,
- Le mystérieux sarcophage de l’abside,
- La porte ciselée du tabernacle, le retable, l’ostensoir offert par Napoléon III et la petite Vierge au sein.
Le presbytère fut construit au XVIIIᵉ siècle. La cloche a été installée en 1789, juste avant la Révolution. Le cimetière, qui entourait l’église, a été transféré à son emplacement actuel en 1861. De grands travaux ont eu lieu en 1867, avec notamment la réfection du porche central.
Les travaux les plus récents se sont déroulés en 1989 pour la rénovation intérieure, en 2004 pour la rénovation de la toiture et en 2008 pour la réfection de la place et l’illumination extérieure de l’église.
Les premiers travaux de rénovation et d’aménagement ont débuté en 2010.
Ce programme ambitieux s’est étendu sur plusieurs années et touche désormais à sa fin en 2025.
Les interventions principales ont porté sur :
- La rénovation de la voûte,
- La rénovation du carrelage,
- L’aménagement de la sacristie.
En 2024, d’importants travaux ont été lancés sur les façades, avec une fin prévue pour mai 2025. Ces rénovations comprennent la suppression des anciens enduits protecteurs des moellons, le remplacement des pierres de taille usées par le temps, ainsi que d’autres interventions destinées à préserver et valoriser le patrimoine architectural.
Parallèlement, pour enrichir l’intérieur de l’église, la paroisse Saint-Joseph des Jalles a confié à deux artistes la création d’un nouveau mobilier liturgique. Celui-ci comprendra un autel, un ambon et un siège de présidence, alliant tradition et modernité.
De la persécution à l’évangélisation :
l’essor du christianisme dans notre région.
En 313, l’empereur Constantin, nouvellement converti, accorde aux chrétiens de l’Empire, jusque-là persécutés et contraints à la clandestinité, la liberté de pratiquer leur religion.
Remontant le Rhône jusqu’à Lyon, puis se dirigeant vers notre région, les premiers missionnaires s’établissent dans les faubourgs de Bordeaux, à l’extérieur des remparts, notamment à Saint-Seurin. Le premier évêque de Bordeaux, Orientalis, est suivi de figures emblématiques telles que Saint Paulin, baptisé par Saint Delphin, lui-même élève d’Ausone.
L’évangélisation des campagnes ne débute qu’à partir de 550. À mesure que les religions gallo-romaines disparaissent, le nombre de chrétiens augmente. Les temples et les dieux d’autrefois sont progressivement abandonnés, tandis que de nouveaux lieux de culte voient le jour. À partir du VIᵉ siècle, les paroisses ressentent le besoin de se placer sous la protection de saints pour remplacer les anciennes idoles. Parmi ces protecteurs, on retrouve Notre-Dame, Saint Étienne, et plus tard des saints locaux tels que Martin, Médard et Aubin.
Saint Aubin : De moine à évêque, un modèle de sainteté et de fermeté.
ALBINUS, ALBIN OU AUBIN est né en 468 d’une famille anglo-saxonne de Basse-Bretagne. Il fut d’abord moine près d’Angers. C’était un homme de prière, modèle d’obéissance, de pénitence et d’humilité. C’est pourquoi il fut élu, en 500, abbé de son monastère qu’il réforma, ce qui conduisit les autorités religieuses à le nommer, contre son gré, évêque d’Angers en 529. Il rétablit l’ordre dans son diocèse avec beaucoup de fermeté, appuyé en cela par le roi Chilpéric, fils de Clovis, qui aida également à convoquer le concile d’Orléans en 538. Il mourut en 549 ou 550, jouissant d’une grande réputation de sainteté. On lui attribua aussitôt de nombreux miracles et sa réputation se répandit très vite dans l’Occident chrétien.
C’est l’homme que nos ancêtres ont choisi, au VIIIᵉ siècle, comme patron de la paroisse. Mais, contrairement à ce qu’on crut bien longtemps, ce n’est pas son corps qui est enfermé dans le sarcophage derrière le maître-autel de l’église.
On pense que sa construction a débuté au 12e siècle, c’est-à-dire au temps d’ALIÉNOR d’AQUITAINE (vers 1140), mais il faut savoir qu’une église est toujours en réparation avec des réfections et des modifications plus ou moins heureuses. La partie la plus ancienne, très délabrée, est un petit oratoire voûté au Nord-est de l’édifice.
L’abside fut construite aussitôt après, suivie de la nef principale et de celle de NOTRE DAME (c’est l’appellation qu’on trouve sur les documents anciens). Puis, on édifia le clocher et plus tard, le bas-côté de ST JEAN BAPTISTE. On utilisa sans doute, mais nous n’avons aucun document pour le prouver, l’emplacement d’un temple romain détruit par les nouveaux chrétiens pour supprimer l’influence des anciens dieux, mais aussi pour en récupérer les matériaux. Les arcades de part et d’autre de la nef centrale sont alternativement de style roman et en arc brisé, ce qui ne facilite pas la datation.
Le chœur, les porches et le clocher donnent à l’édifice un aspect roman (11e et 12e siècles). L’église est orientée, c’est-à-dire tournée vers l’orient et non pas vers Jérusalem comme on le croyait autrefois.
Le cimetière où l’on enterrait les moins riches était autour de l’église. Il fut transféré à son emplacement actuel en 1861. Les curés et les nobles étaient inhumés dans le chœur de l’église, et les gens aisés qui avaient acquis un droit de sépulture moyennant le paiement de douze livres étaient inhumés dans les nefs. Plusieurs sont enterrés comme « passants ». Ils n’avaient pas acquis le droit de sépulture mais s’étaient montrés particulièrement méritants. C’est ainsi qu’un curé y a inhumé sa mère et sa servante. Ce droit de sépulture fut contesté à plusieurs reprises par un curé qui portait l’affaire devant l’archevêque. Celui-ci lui donnait toujours raison. En attendant, on enterrait le défunt derrière le four du presbytère, que nous n’avons pas localisé. D’autres sont ensevelis sous l’auvent, devant le porche latéral. Il ne leur en coûtait que six livres.
Petit oratoire et abside
L’abside et le petit oratoire comportent des baies romanes intactes : une pour l’oratoire et deux pour l’abside, la troisième ayant été masquée par la construction de la sacristie au 18e siècle.
Façade nord
Le mur, situé près de l’oratoire, présente des contreforts et des arrachés de style roman. Les baies datent du XVIIIᵉ siècle.
Façade principale (est)
Le mur pignon date du XIIIᵉ ou XIVᵉ siècle, avec un portail et un oculus supérieur ajoutés à la fin du XIXᵉ siècle.
Le mur collatéral droit est constitué de moellons enduits, tandis que la rive en pierre taillée a été remplacée lors des travaux de rénovation de la toiture à la fin de l’année 2004.
Le clocher, à base romane, remonte au XIIᵉ siècle, tandis que sa partie supérieure, comprenant la chambre de cloche, date du XIVᵉ siècle. Un paratonnerre neuf a été installé lors de la réfection de la toiture fin 2004.
Le fronton est surmonté d’une croix sculptée sur ses deux faces : sur la face ouest, le Christ crucifié, et sur la face est, la Vierge présentant son fils au monde.
Conservant son style original, le porche central, soumis à l’érosion des vents dominants, a dû être refait plusieurs fois, probablement lors des grands travaux de 1867.
Façade principale (ouest)
Le mur est constitué de moellons, et les baies datent du XVIIIᵉ et XIXᵉ siècles.
La sacristie a été construite au XVIIIᵉ siècle.
Le porche néo-roman, érigé à la fin du XIXᵉ siècle lors des grands travaux de 1867, ne conserve aucune pierre d’origine. Il s’agissait autrefois d’un appentis, qui fut couvert en 1643 par Claude de Masparault de Montmarès, seigneur de Saint-Aubin. Ce dernier fit également édifier, à cette occasion, le montoir de pierre encore visible de part et d’autre de l’auvent. À cette époque, les fidèles se rendaient aux cérémonies à pied, en carriole ou à cheval, et beaucoup éprouvaient des difficultés à monter à cheval. Un solide marchepied leur fut donc très utile.
Le portail intérieur a été largement restauré (aucune pierre visible n’est d’origine), mais il conserve des éléments d’époque romane, comme en témoigne le contrefort droit, parfaitement intact.
Couverture
La couverture en tuiles canal a été rénovée fin 2004.
Presbytère
Au XVIIIᵉ siècle, Messire Lalanne, qui fut curé pendant 25 ans, fit construire la maison curiale (presbytère). Cette bâtisse aux belles proportions devint par la suite le logement du garde-champêtre.
Oratoire originel
Dans le petit oratoire originel voûté au nord-est de l’édifice, et qui date du 12e siècle, la corniche à modillons sculptés (croix, raisin, …) – sur laquelle repose la voûte en berceau – atteste du style roman.
La voûte en plein cintre possède des fresques du 14e siècle (peut-être antérieures ?) où, sous un badigeonnage de chaux, le dessin d’origine (au pigment rouge) est très nettement visible ; les couleurs de remplissage (ocre jaune, brun, terre de sienne, …) sont plus ou moins bien conservées. L’une des fresques représente l’Annonciation.
Chœur : partie derrière le retable
Le sol est constitué de tommettes hexagonales anciennes (17e ou 18e siècle). Un sarcophage en pierre à dessus en mitre vraisemblablement du début du Moyen Age est fiché dans le mur et a été remployé ici (?) au 15e (Cénotaphe classé le 30 novembre 1908).
Croyant que ce sarcophage, dont une extrémité repose sur une colonne et l’autre est encastrée dans le mur, contenait les restes de Saint Aubin, nos aïeux avaient pris l’habitude de l’honorer, particulièrement le jour de sa fête, le 1er mars. On pensait que les saints, du moins certains d’entre eux, avaient le pouvoir de guérir certaines maladies. C’est ainsi qu’on priait Saint Clair pour y voir plus clair et Saint « Aoubin » parce que son nom rimait avec « tout va bin » – tout va bien.
Il n’en fallait pas plus pour lui reconnaître de grands pouvoirs. On le priait pour toutes sortes de maux : la coqueluche, les maladies infantiles, mais aussi pour les prisonniers et les aveugles. Les jeunes mariés et les fiancés se plaçaient sous sa protection en passant trois fois sous le sarcophage le 1er mars.
Au 19e siècle, un curé de la paroisse trouva que ces manifestations ressemblaient à de la superstition. Comme il aurait été maladroit de supprimer ce pèlerinage, il essaya de le justifier en se procurant des vraies reliques du saint. Or, celui-ci était mort 1 300 ans auparavant. Son tombeau, à Angers, avait été saccagé sous la Révolution et ses restes dispersés aux quatre vents.
Que contient donc ce sarcophage ? Etant données ses dimensions réduites, il pourrait renfermer soit le corps d’un ou de plusieurs enfants d’une famille noble, les Ferron par exemple, soit les ossements de certains membres de cette famille, car il était d’usage de rassembler les restes de plusieurs personnes dans un même coffre. A noter la présence d’une plaque tumulaire polychrome, à proximité du sarcophage, sur le mur du chœur. Elle porte un écu armorié avec l’inscription suivante : « Ci gît Lancelot de Ferron, escuyer, Seigneur des Maiso(n)s Nobles de Ferro(n), de St Aubin, de Copian, de Bricaile et autres lieux et maiso(n)s noble(s) – du 14 Aoust 1583 ».
Le retable
Il date de la fin du 17e siècle (comme l’autel) avec les statues en bois de Saint Pierre (à gauche) et de Saint Paul (à droite). L’ensemble est en chêne et noyer peint en faux bois au 19e siècle. Des sondages ont permis de retrouver le décor d’origine en faux marbre. La restauration de l’aspect d’origine (faux marbre et dorures) amènerait assurément plus de lumière que le bois foncé. Elle redonnerait au chœur l’aspect plus lumineux qu’il devrait avoir par rapport aux nefs.
Le retable fut construit à l’initiative de Messire Lalanne qui fut curé pendant 25 ans « avec exemple et édification » nous dit son acte de décès, et qui fit en outre refaire la chaire.
Le retable fut réalisé par des artistes itinérants qui, leur travail terminé, cherchaient d’autres mécènes dans les châteaux ou les églises, ce qui explique qu’on trouve, ailleurs, d’autres ouvrages de même facture. Bien que masquant l’abside, il est très beau. Sa partie supérieure représente Dieu le Père entouré d’angelots, d’une sculpture puissante et majestueuse qui fait penser à Michel-Ange. Il donne son envol à la colombe, symbole du Saint-Esprit.
Dominant le tableau, une mitre dorée rappelant que notre Saint-Patron était évêque est soutenue par la Coquille Saint Jacques du pèlerin et par un écu orné de lettres entrelacées où certains croient voir le « S » et le « A » de Saint Aubin.
Le tableau central, du 18e siècle, restauré en 1982, montre le saint dans sa gloire, revêtu de ses ornements pontificaux, entouré d’anges et de nuées indiquant qu’il monte vers le ciel. L’autel fait partie de l’ensemble. Sur la porte du tabernacle, on voit le Christ tenant le globe du monde.
De part et d’autre de l’autel, deux colonnes cannelées sont surmontées chacune d’un chérubin joufflu embouchant sa trompette. Au bas des panneaux latéraux, s’ouvrent deux portes ornées des monogrammes du Christ et de Marie, par lesquelles on accède au sarcophage situé derrière l’autel. C’est par là que, naguère, passaient les pèlerins vers le sarcophage.
On note aussi, tout en haut de chaque côté, deux magnifiques corbeilles de fleurs finement sculptées qui mériteraient d’être admirées de plus près.
Chœur : partie devant le retable
Sur plusieurs chapiteaux du chœur figurent les attributs de l’évêque, crosses et mitres alternées, mais le chapiteau de gauche nous pose question. De facture très ancienne, il nous montre une scène qui relate, sans doute, une légende locale maintenant oubliée. Le sujet central, loup, chien ou âne, tient dans sa bouche ouverte, un aigle qu’il a saisi par la tête et, de sa patte antérieure gauche maintient au sol un animal qui pourrait être une brebis. Derrière l’âne, se tient un homme qui semble contempler la scène et qui précède une sorte de dragon. Celui-ci, en équilibre sur sa queue enroulée, immobilise ou arrête l’homme avec ses deux pattes.
Aux coins supérieurs de ce même chapiteau, sont sculptées deux têtes d’hommes, probablement ceux qui ont travaillé à la construction ou l’ont financée. Le bonnet d’un de ces personnages semble, lui-même, grossièrement ouvragé et présente une tête minuscule, peut-être le sculpteur lui-même.
Les peintures des murs sont du 19e siècle et ont été conservées en l’état. La porte de la piscine en bois sculpté (armoire destinée à ranger l’eau bénite, actuellement tabernacle), de style gothique flamboyant du 15e a été classée le 23 février 1971. L’ensemble de l’église a été classé à l’inventaire des monuments historiques mi-2007.
Nef principale
Avant la construction du retable, le chœur était éclairé par trois petites fenêtres, largement ébrasées pour diffuser la lumière à l’intérieur. Le fidèle qui entrait par la porte centrale au lever du jour, venait des ténèbres pour se diriger vers la lumière, vers les premiers rayons du soleil levant. Cette symbolique était voulue par les architectes.
Les arcades de part et d’autre de la nef centrale sont alternativement de style roman et en arc brisé, ce qui ne facilite pas la datation.
Dans la nef, on peut admirer une petite Vierge en pierre, du 15e siècle présentant le sein à son enfant, (ce qui est assez rare pour que nous lui ayons donné le nom de Vierge au sein). L’enfant tient un oiseau, peut-être une colombe, symbole du Saint-Esprit. Cette statuette fut retrouvée en 1970 dans le mur du clocher où elle servait de moellon, par Pierre Cardinal et les ouvriers municipaux qui perçaient une baie pour le chauffage. Remarquant des éclats sculptés dans les gravats, ils abandonnèrent leur pic dont les traces sont encore visibles, et dégagèrent avec précaution le reste de la statue. Les têtes manquaient. Elles ont été reconstituées, en plâtre, par un artiste local, Jean Doméjean, qui a retrouvé le sourire de la Vierge et l’a rendu à notre vénération. Par qui avait-elle été décapitée ? Qui l’a utilisée comme moellon ? Nous ne pouvons hasarder que des hypothèses. On sait que pendant les guerres de religion, une armée de protestants bien équipée, venant de La Rochelle, sous les ordres d’un certain Favas, a saccagé les églises du Nord-Médoc, mais on ne sait pas si elle est venue jusque chez nous. D’autre part, sous la Révolution, il semble que les Saint-Aubinois n’aient pas été très virulents. Alors qui ? Certains persistent à voir en cette histoire un petit air de miracle.